Si le scénario relève pour le moment de la fiction, pour les syndicats, il n'est pas si éloigné de ce qui attend les usagers. La réforme du statut de La Poste, présentée ce mercredi en Conseil des ministres, pourrait aboutir, à terme, à une réorganisation complète du rôle de l'établissement de service public. La France n'est pas la première à y penser. D'autres l'ont déjà fait. La Suède, l'Allemagne, mais aussi la Hollande ou encore la Grande-Bretagne.
Le jour où La Poste reversera des dividendes…
Pour le gouvernement, l'objectif de la transformation de La Poste en société anonyme est simple: en faire une entreprise rentable. Officiellement, l'Etat souhaite une ouverture du capital à des fonds publics, et non privés. Le ministre de la Relance, Patrick Devedjian, a encore assuré, ce mercredi, que le projet de changement de statut en société anonyme n'était «pas le début de la privatisation». Mais les syndicats se méfient et voient dans ce «remaniement», l'occasion de faire de La Poste une entreprise commerciale avant tout.
Pour Bernard Dupin (CGT- activités postale et télécommunications), «on va mettre en place une logique de rentabilité qui détruira la notion de service public». A terme, le Comité national contre la privatisation de La Poste, qui regroupe des partis, des associations et des syndicats craint l'ouverture du capital à des fonds privés. «C'est une privatisation qui ne dit pas son nom», assure Régis Blanchot, de Sud-PTT, «l'Etat maquille l'opération, c'est tout. La Poste va devenir une entreprise qui devra reverser des dividendes à des investisseurs, mais la banque postale est aujourd'hui la banque la moins chère. Mais comment rester la banque la moins chère avec un souci de rentabilité et la nécessité à terme de reverser des dividendes? Cela impactera la qualité de l'ensemble des services», ajoute le syndicaliste.
Le jour où vous détesterez votre postier...
Concrètement, alors que votre gentil guichetier ne voyait, jusqu'à présent, aucune objection à vous vendre des timbres à l'unité, il pourrait se transformer en super VRP du produit postal. «On le voit déjà dans certains bureaux ; où les agents ont reçu des consignes claires: proposer un lot d'enveloppes pré-affranchies plutôt que des timbres», explique Michel Lannez, secrétaire départemental de la CGT-Paris. «On pousse à la consommation et on s'éloigne de la mission de service public qui est celle de La Poste», ajoute le syndicaliste. Les conséquences pour les usagers ne seraient pas négligeables: hausse de la tarification, distribution du courrier cinq jours sur sept au lieu de six actuellement, développement des automates au détriment des guichets.
Cette logique de rentabilité, à terme, pourrait détériorer les conditions de travail (et multiplier les suppressions d'emplois), mais aussi pousser les bureaux de poste les moins rentables à mettre la clef sous la porte. Or, fermer le bureau de poste, dans certaines zones rurales, revient à supprimer le seul établissement de service public du secteur. «La Poste a un rôle social très important. Oui, certains bureaux coûtent cher, mais ils offrent un service essentiel», souligne Régis Blanchot.
Le jour où vous courrez d'une poste à l'autre...
«La loi prévoit que le nombre de points de contact avec l'usager ne diminue pas. Mais ces points de contacts ne seront plus nécessairement des bureaux de poste. Il pourra s'agir de commerçants», explique le syndicaliste. Envoyer un recommandé en achetant sa baguette ne relèvera plus nécessairement du domaine de la fiction. Outre la fonction sociale de La Poste, c'est le principe même d'égalité qui serait remis en cause. «Nous allons assister à un découpage des activités de La Poste par service. Certains bureaux ne feront que du colis, d'autres que du courrier ou que du financier. L'accessibilité à ce service différera en fonction des secteurs et La Poste perdra sa qualité de service de proximité», souligne Régis Blanchot, qui préconise une modernisation de La Poste par le développement de partenariats avec d'autres entreprises de service public.
La loi sera débattue au Parlement à la rentrée. En attendant, le Comité national contre la privatisation de La Poste réclame un référendum et organise une consultation nationale le 3 octobre, en invitant les Français à se prononcer sur le changement de statut de l'établissement public
Le Comité national contre la privatisation de La Poste, regroupant partis, associations et syndicats, a lancé mercredi sa campagne pour une consultation nationale le 3 octobre, en invitant les Français à se prononcer sur le changement de statut de l'établissement public.
Le Comité national contre la privatisation de La Poste a réitéré mercredi 29 juillet, lors d'une conférence de presse, son opposition au texte, présenté le jour même en Conseil des ministres, qui prévoit la transformation de La Poste en société anonyme, à capitaux 100% publics. La consultation nationale sera organisée dans certaines mairies et collectivités, devant les bureaux de poste et sur les marchés.
Question aux Français
Si évidemment les mairies de gauche (PS, PC, Parti de gauche, Verts, etc.) ouvriront plus facilement leur portes pour ce vote, des élus de droite et des non inscrits participeront aussi, a assuré Razzi Amadi (PS), parlant d'une "étape dans la construction d'un rapport de force".
Une question sera posée aux Français : "Le gouvernement veut changer le statut de La Poste pour la privatiser, êtes-vous d'accord avec ce projet?".
Pour Joëlle Roye (CGT), dont le syndicat a déjà rassemblé plus de 400.000 signatures dans une pétition intitulée "Touche pas à ma Poste", cette "votation citoyenne" est "une étape" pour obtenir un référendum constitutionnel.
"L'enjeu (...) c'est d'obtenir un débat citoyen qu'on nous refuse", a renchéri Annick Coupé (Solidaires) rappelant que le comité demande depuis un an la tenue de ce référendum.
Privatisation
"Le gouvernement a pris ses responsabilités sur le fait de ne pas vouloir assumer de débat public", a ajouté Verveine Angeli (Attac).
Pour le comité, "il n'est pas trop tard, le gouvernement peut encore prendre la décision d'abandonner son projet de privatisation. Il doit le faire car quoiqu'il en dise, la transformation de la Poste en société anonyme, c'est la privatisation", selon Régis Blanchot (Sud-PTT) qui lisait une déclaration commune.
Le Comité ne croit pas aux garanties du gouvernement sur les capitaux qui resteront publics. "L'argument est éculé et ne convainc plus personne", a déclaré Bernard Dupin (CGT), tandis que Joëlle Roye (CGT) a souligné que "dans 13 pays où le marché a été libéralisé, cela s'est traduit par des incidences négatives sur l'emploi, et la dégradation du service public".


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