Le blog revient sur une déclaration qui n'a pas été mise dans nos lignes, mais reprise par Vert Estuaire Charentais :

Révélations de Monsieur Patrick MOQUAY, Maire de Saint Pierre d'Oléron : Des tonnes d'amiantetciment sont enfouies clandestinement à La Brée les Bains. ( ci-dessous l'interview)
Des pathologies plus de 50 ans après l'exposition
Les pathologies peuvent se déclarer plus de cinquante ans après les premières expositions aux fibres d'amiante. Environ 125 millions de personnes seraient professionnellement exposées à l'amiante dans le monde. 90 000 en meurent chaque année. Le danger provient de l'inhalation. Les cancers broncho-pulmonaires représentent la première cause de mortalité.
L'affaire nous replonge d'abord dans cette époque pas si lointaine où l'on déversait sans états d'âme épluchures de légumes et déchets toxiques, pêle-mêle, sur la vieille décharge du village. Une fois par mois, le cantonnier s'essayait alors au recyclage artisanal en y allumant un grand feu de joie. Mais si partout les temps ont depuis radicalement changé, il semble en revanche qu'ils se soient figés sur l'île d'Oléron. Jusqu'à l'automne dernier, la plupart des déchets amiantés issus des chantiers du bâtiment ont ainsi été triés puis détruits en toute illégalité, selon une méthode que les élus en charge de cette gestion voudraient bien désormais faire passer pour celle d'un b on père de famille. Un savoir-faire maison auquel il est d'autant plus difficile de croire que l'État a fixé il y a treize ans déjà les strictes conditions pour l'élimination des matériaux contenant de l'amiante. Principalement, ici, des tuyaux de canalisation, et surtout ces fameuses tôles ondulées qui ont colonisé jusqu'à la toiture du moindre de nos cabanons depuis les années cinquante. Inoffensives pour peu que l'on ne libère pas dans l'air les particules d'amiante en réduisant ces structures à l'état de poussière.
Or voilà, plutôt que de suivre les filières d'élimination réglementaires - certes coûteuses et inexistantes sur l'île - quelques Oléronnais ont semble-t-il eu l'ambition de résoudre eux-mêmes le problème. « Par habitude », plaide-t-on aujourd'hui dans leur entourage. De la pire des façons, répondent les spécialistes. Collectés parmi les trois déchetteries de l'île où les artisans ont depuis longtemps leurs habitudes, ces déchets « non inertes » prenaient ensuite le chemin de la petite décharge de la Brée-les-Bains, à la pointe nord de l'île. La nuit, de préférence. À l'ombre d'un casier de 900 mètres carrés délimité par une haute butte de terre, les plaques de fibrociment étaient alors régulièrement transformées en poussière sous les chenilles d'un engin de chantier.
Natura 2000
S'il est bien difficile d'estimer la quantité d'amiante-ciment ainsi recyclée en bordure d'une zone de marais protégée par Natura 2000, le rapport annuel sur l'élimination des déchets publié par la Communauté de communes d'Oléron (CDC) permet tout de même d'envisager une hypothèse. On y évoque notamment « 31 rotations » de bennes non inertes issues des 3 398 tonnes de gravats déversés en amont à la déchetterie centrale de Dolus.
Alerté au printemps 2008 par un riverain intrigué, le maire de la Brée-les-Bains avait aussitôt adressé un courrier au directeur de la communauté de communes. Mais son contenu pour le moins équivoque apparaît pour certains comme une volonté de dissimulation : « Je vous demande de bien vouloir solutionner cette situation qui risque de s'aggraver. Il ne serait pas souhaitable que d'autres services (environnement, DDASS...) soient alertés par d'autres circuits. » Un maire d'ailleurs élevé depuis au rang de vice-président en charge de la régie des déchets.
Peine perdue, dès l'été la préfecture est avertie. Par deux fois pourtant la communauté de communes répond aux mises en garde en faisant la leçon à l'État, responsable, selon le directeur de la CDC, d'une erreur d'interprétation.
Depuis deux ans
Dans le doute, quelques âmes bien intentionnées ont depuis proprement enseveli la poussière suspecte. Et rangé le chenillard au garage. Alors qu'aucune autorisation n'avait donc été demandée pour la Brée-les-Bains, ces mêmes élus se distinguent aujourd'hui par le zèle avec lequel ils réclament la procédure à suivre pour fermer dans les règles de l'art ce casier hors-la-loi. Quitte aussi désormais à assumer - pour ne pas dire revendiquer- le passé de cette filière clandestine. « Sans cela, les décharges sauvages se seraient multipliées sur l'île, au risque de boucher le marais parfois », prévient Patrick Moquay, le président de la CDC élu en 2008.
Mais si, plutôt que de les pointer du doigt, l'État a d'abord privilégié un principe de précaution diplomatique à l'égard des élus insulaires, c'est son poing tout entier qui pourrait cette fois s'abattre sur leur table. Dans l'entourage du préfet, on vient en effet d'apprendre que l'immense décharge professionnelle - et payante - de Dolus-d'Oléron fonctionne elle aussi sans aucune autorisation depuis près de deux ans .
La moitié des salariés concernés
En France, l'Institut de veille sanitaire a estimé que 50 % des artisans français mis à la retraite en 2004 ont été exposés à de l'amiante lors de leur vie professionnelle. Ils travaillaient pour moitié dans le BTP.
Spécialiste des maladies liées à l'amiante, le chirurgien bordelais Dominique Courtois confirme que le broyage du fibrociment est sans doute la façon la plus dangereuse de l'éliminer. « En plus d'être formellement interdit, cela libère les particules d'amiante dans l'air. Ces tôles ondulées ne sont dangereuses que si on les manipule. Et c'est justement lorsque l'amiante est en suspension qu'il se fixe sur la paroi des poumons. Il faut certes plusieurs années d'exposition pour mettre en danger la santé, mais je ne voudrais pas être à la place des employés chargés de broyer ces déchets. »
Si la déchetterie de la Brée est située à proximité d'une zone de marais protégée par Natura 2000, aucune étude ne permet en revanche pour l'heure d'évaluer les risques pour l'environnement. « Nous savons que la contamination par les voies aériennes provoque des cancers du poumon et de l'oesophage, mais personne n'est encore au point sur la pollution éventuelle des nappes phréatiques. » Les spécialistes prévoient 100 000 victimes de l'amiante en France d'ici à 2025. « Et l'on atteindra probablement le pic vers 2030 ou 2040 », assure le docteur Courtois. « Il y aura alors probablement 10 000 morts par an. De nouvelles professions commencent à être touchées. Plombiers chauffagistes, couvreurs, ou électriciens. Tous ceux qui ont manipulé ou percé ces tôles et ces tuyaux toujours encore très nombreux. »
L'amiante, un matériau utilisé depuis la fin du XIXe siècle
L'amiante est utilisé depuis la fin du XIXe siècle dans l'industrie pour l'isolation, les joints ou encore les plaquettes de freins automobiles. Le faible coût de production fait que ce matériau a aussi été fortement employé dans le bâtiment entre 1960 et 1980.
L'application la plus répandue reste l'amiante-ciment (90 %) un produit très utilisé, notamment pour la fabrication des tôles de toit ondulées (photo). Jusqu'à son interdiction en 1996. Mais le produit n'est pas dangereux tant qu'il n'est pas percé ou broyé.
Difficile de faire à Patrick Moquay le procès d'avoir organisé l'élimination illégale des déchets du bâtiment. Elu maire de Saint-Pierre-d'Oléron et président de la Communauté de communes de l'île au printemps dernier, cet élu qui revendique une fibre écologique semble avoir depuis découvert l'ampleur du problème. Mais il n'en justifie pas moins aujourd'hui sa liberté de tenir tête à l'État.
Inteview de Monsieur P. MOQUAY :Comment expliquer que des déchets amiantés aient pu être ainsi détournés de la filière légale ?
La vieille décharge de La Brée-les-Bains a été transformée en déchetterie. Nous avons oublié de demander l'autorisation de stocker ce type de déchets à sa réouverture. De toute façon, vu le milieu naturel sensible qui l'entoure, cette autorisation aurait sans doute été refusée. Mais je ne veux pas croire à une filière nocturne et secrète, un trafic organisé, ça c'est du fantasme. Simplement de vieilles habitudes ont perduré, par routine, sans que l'on se rende compte que la législation avait changé. Ces déchets du bâtiment n'ont jamais été vus comme quelque chose de dangereux, que ce soit pour les gens qui les déposaient comme pour ceux qui travaillent à la déchetterie.
Vous plaidez la bonne foi autant qu'une certaine naïveté. Pourtant les demandes d'explication de la préfecture sont longtemps restées lettre morte...
Nous nous sommes une nouvelle fois trompés, en effet. Mais souvent les services de l'État se perdent aussi parmi la somme de nouveaux textes qu'il faut digérer au fil des ans. Celui-ci nous aura échappé, c'est tout.
Que comptez-vous faire du casier où l'amiante-ciment a été enfoui à la Brée-les-Bains ?
Au moins cette polémique va faire accélérer les choses. J'ai demandé des analyses, mais je ne pense pas que cela soit une source de pollution. Il faut sans doute y toucher le moins possible, recouvrir et surveiller. Mais s'il faut tout enlever, nous le ferons.
Cette affaire soulève aussi une seconde polémique. Sans qu'il soit cette fois question d'amiante, l'immense décharge de Dolus n'a pas non plus d'autorisation
je découvre le dossier. La demande faite à l'État est restée sans réponse, ce qui équivaut en effet à un refus. Mais j'ai du mal à expliquer que l'administration ne nous ait pas alertés.
Avez-vous depuis renouvelé votre demande pour ce site où vous facturez les déchets aux professionnels qui les déposent ?
Non... Mais si l'État veut fermer Dolus et envoyer les déchets sur le continent, qu'il assume ! Et qu'il aille ensuite expliquer comment faire aux professionnels du bâtiment. Vu le nombre de chantiers sur l'île, on verra alors à coup sûr les décharges sauvages refleurir un peu partout dans le marais. Nous pensions justement que ce site était la bonne solution pour éviter les dérives d'autrefois, mais aussi pour limiter les transports.
Auteur : Sylvain CottinPropos recueillis par S.C.
s.cottin@sudouest.com
Par Vert Estuaire Charentais.
http://vert-estuaire-charentais.over-blog.com/


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