lundi 29 juin 2009

Les algues vertes peuvent tuer…

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La mort de deux chiens à Hillion (22), des témoignages de victimes, des taux d’hydrogène sulfuré très élevés... Forts de ces éléments, des scientifiques l’affirment : les algues vertes en putréfaction peuvent représenter un danger mortel pour l’homme. Elles polluent les plages de Bretagne depuis trente ans, leur odeur d’œuf pourri importune les promeneurs mais, jusqu’ici, personne ne s’était vraiment inquiété de leur dangerosité. Pourtant, depuis la mort de deux chiens, le 12 juillet dernier, sur la plage de la Granville à Hillion, ils sont de plus en plus nombreux à être persuadés que les algues vertes, lorsqu’elles sont en état de putréfaction, peuvent représenter un réel danger pour l’être humain. Spécialiste au CNRS des polluants aériens et de leurs effets sur la santé, le docteur Claude Lesné a sérieusement commencé à s’intéresser au sujet il y a deux mois. Et aujourd’hui, sa conviction est faite :

lorsque vous marchez sur la croûte blanche des amas d’algues en décomposition et que vous la percez, la quantité d’hydrogène sulfuré qui s’échappe alors peut être mortelle.

Œdème aigu du poumon

« L’histoire des deux chiens m’a alerté. Car les deux autopsies réalisées par deux organismes différents (l’école vétérinaire de Nantes et le laboratoire départemental de Vendée) confirment le décès par inhalation de gaz toxiques. Ces chiens sont morts d’un œdème aigu du poumon. Il n’y a aucune ambiguïté », affirme le Dr Lesné. « À partir de cette histoire, nous sommes plusieurs professionnels de santé à nous faire la même réflexion : si cela arrive à deux gros chiens (13 kg et 25 kg), ça peut également arriver à des humains et, notamment, à des enfants. Surtout que les animaux réagissent habituellement plus tard et à des doses plus élevées ».

Seuil mortel au bout de dix minutes

En 2000, un rapport de l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques), commandé par le ministère de l’Écologie, indiquait que le seuil létal était atteint au bout de dix minutes lorsque le taux d’hydrogène sulfuré dans l’air est mesuré à 688 ppm (partie par million). Et pour la même durée, le seuil d’effets irréversibles est, lui, fixé à 150 ppm. Or, depuis moins de dix jours, le Ceva (Centre d’étude et de valorisation des algues) détient de nouvelles études sur le taux d’hydrogène sulfuré s’échappant des algues vertes en putréfaction. « Avec l’histoire des chiens, nous avons récemment été équipés de nouveaux détecteurs permettant de monter plus haut dans la mesure, jusqu’à 500 ppm », raconte Sylvain Ballu, ingénieur agronome au Ceva. « Lorsque j’ai placé ce capteur à 2 cm au-dessus d’un tas d’algues après avoir percé la croûte, l’appareil m’indiquait un taux supérieur à 500 ppm. Aujourd’hui, nous n’en avons pas la certitude, mais nous sommes certainement bien au-delà ». Autrement dit à hauteur du seuil mortel au bout de dix minutes d’exposition.

D’autres gaz toxiques dans les algues

Reste qu’il paraît peu envisageable pour une personne sensée de rester dix longues minutes dans un endroit où règne une véritable puanteur. Seulement, le Dr Lesné développe trois arguments pour rappeler l’extrême dangerosité des tas d’algues en décomposition depuis plusieurs jours. Premièrement, à de telles teneurs en hydrogène sulfuré, le seuil de perte de l’odorat arrive très rapidement. Deuxièmement, d’autres gaz soufrés toxiques s’échappent des tas d’algues, sans qu’on ne les connaisse actuellement. Et troisièmement, en cas d’efforts, et donc d’hyperventilation, la dose de toxiques inhalés est multipliée par 10. La dose létale est alors atteinte au bout de 60 secondes. « C’est ce qui a dû se produire pour les chiens puisque, selon leur propriétaire, ils couraient sur la plage depuis vingt minutes », indique le chercheur. «

C’est pour cela que j’estime qu’un jogger est en danger sur ces plages. Même chose pour des enfants en train de jouer. De plus, nous avons des témoignages de travailleurs des algues durement touchés (lire ci-dessous) ». À ce jour, les algues vertes n’ont officiellement tué personne. Pour autant, les effets sur la santé humaine ne sont pas contestables selon le chercheur. « Nous savons, par exemple, que chez un asthmatique, la crise peut se déclencher à partir de 19 ppm. Il est grand temps que des mesures provisoires soient prises et, surtout, que l’on ferme le robinet à nitrates ».

Un commentaire : pas de mort "officielle" mais tout porte à croire qu’un jogger est déjà mort par asphyxie dans les algues et il est prouvé que des employés chargés de les ramasser ont été gravement intoxiqués.

A la Brée les Bains :

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A droite du cordon Dunaire

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Quelle est l'origine des algues vertes?
C'est une composante naturelle du milieu marin, gourmande en azote. Il y avait plusieurs espèces qui limitaient leur croissance à des niveaux acceptables dans des sites très restreints, jusqu'en 1960. Puis les marées vertes sont apparues. En 30 ans, entre1960 et1990, les apports d'azote ont été multipliés par dix . On leur a fourni leur aliment fétiche plus qu'elles ne peuvent en absorber.


D'où vient cet azote?
Très massivement, des nitrates produits par l'agriculture intensive. Il y a 20 ans, on pensait que le phosphore était à l'origine des algues vertes. On a démontré que c'était faux. De toute façon, les stations d'épuration sont aujourd'hui performantes et les rejets très faibles.

Va-t-on vers une atténuation du phénomène?
En fonction des aléas climatiques, le phénomène est plus ou moins fort et plus ou moins précoce. 2007 et 2008 ont été des années à marées vertes énormes mais elles sont arrivées tardivement, en septembre-octobre, après un été pluvieux.


Comment les éradiquer?
Depuis les années 90, on a stoppé l'augmentation des apports de nitrate d'origine agricole. Les programmes eau pure et autres ont permis de réduire les fuites par la couverture des sols l'hiver, par des pratiques de bonne fertilisation, les bandes enherbées près des cours d'eau... mais cela n'est pas suffisant. Nous en étions à une moyenne de38mg/l à la fin des années90. Nous en sommes toujours à33mg/l, soit encore dix fois plus que ce que produit le couvert végétal naturel. En 20ans, les teneurs en nitrates ont très peu baissé . Sans réduction massive et significative des apports en azote, nous ne supprimerons pas le problème.

Réduire massivement l'apport en azote, c'est-à-dire?
Dans les endroits très confinants, là où on trouve les plus grosses marées vertes, comme à Saint-Efflam, si on ne descend pas le taux de nitrates en dessous des 10mg/l, on ne verra rien. À 5mg/l, les marées vertes disparaîtront. On en est loin aujourd'hui.

L'arrêt sera-t-il immédiat?
Les bassins versants de nature schisteuse, où tout va dans les rivières, peuvent réagir dans les un à deux ans. En revanche, dans les bassins au sol granitique, où les nitrates sont stockés dans les nappes phréatiques, il faudra plus de temps. Car les débits et concentrations en nitrates sont constants, quelles que soient les précipitations.

Dans le cadre du Grenelle de la mer

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