jeudi 26 novembre 2009

Briser le tabou de la décentralisation

Les Français savent-ils que l'an dernier, 52 000 postes de fonctionnaires ont été créés dans notre pays ?

Probablement pas.

Pourtant, en 2008, l'Etat a supprimé 35 000 postes de fonctionnaires, dont la moitié dans l'éducation nationale et près de 3000 dans les forces de sécurité, quand les collectivités locales en créaient 87 000 dans le même temps.

Un récent rapport de la Cour des comptes, qui dresse un bilan de 25 ans de décentralisation, nous apprend que depuis 1980 les effectifs des collectivités locales ont grimpé de 63%, soit 650 000 agents de plus, quand ceux de l'Etat ne progressaient que de 16%, soit moins que l'accroissement de la population du pays.
Toujours selon ce rapport, depuis 2001 les dépenses des collectivités locales ont connu une très forte hausse, chiffrée par la Cour à 54%.
Aujourd'hui, les budgets cumulés des collectivités du pays pèsent quasiment le même poids que le budget de l'Etat.

Voilà une réalité que les Français méconnaissent, et que chacun devrait pourtant étudier de près, parce qu'elle constitue une vraie piste de réforme intelligente.

Où sont en effet les marges d'économie aujourd'hui ? Certainement plus au niveau de l'Etat, qui n'a eu de cesse depuis des années de réduire ses effectifs, de fermer des collèges, des tribunaux, des casernes (45 000 postes en moins dans l'armée en 7 ans), des commissariats, des gendarmeries et demain des directions départementales (la célèbre DDASS aura disparu le 1er janvier prochain).

Sous l'effet de la RGPP (révision générale des politiques publiques), lancée par Nicolas Sarkozy dès son entrée à l'Elysée, le mouvement s'est encore accéléré. Chaque année jusqu'en 2012, les préfectures et sous-préfectures perdront 3% de leurs effectifs. Notre diplomatie verra une nouvelle fois les siens fondre de plus de 5% l'an prochain, au point de remettre en cause notre présence sur l'ensemble de la planète et d'amoindrir encore nos capacités d'influence.

On pourrait poursuivre la liste des services de l'Etat passés à la moulinette. Pas un n'y échappe, si ce n'est ceux de la présidence. Songez que d'ici 2011, la gendarmerie et la police auront de nouveau perdu près de 10 000 postes, alors même qu'on fait croire aux Français que leur sécurité est un enjeu prioritaire...


En parallèle, alors que ces missions régaliennes de l'Etat sont chaque année un peu plus rabotée, les collectivités locales s'engraissent.
La décentralisation bien sûr est en cause.
La Cour des comptes explique ainsi dans son rapport que "le niveau global des dépenses publiques n'a pas baissé dans les domaines touchés par la décentralisation" (page 19). Elle ajoute même que la décentralisation est une "source de création de postes" (page 87), et qu'elle s'apparente à un "processus désordonné et coûteux" (page 87).

Il est absurde de prétendre que la décentralisation fut nécessairement une avancée pour la France, s'inscrivant dans un prétendu "sens de l'Histoire", dont on se demande s'il n'existe pas uniquement dans la tête de ses idéologues zélateurs.
En réalité, s'il y a certainement eu des éléments positifs dans ce processus, il y en a eu aussi beaucoup de négatifs, en premier lieu un affaiblissement continu de l'Etat, dans un pays qui a pourtant construit son unité et sa solidarité nationale sur lui.
Il serait donc temps de faire un vrai bilan de la décentralisation, et d'oser briser certains tabous purement idéologiques : s'il est préférable que l'Etat reprenne en main certaines compétences, alors il doit le faire.

D'autant que la décentralisation, et la vénération dont elle a fait l'objet chez la quasi-totalité des partis dominants et des médias, a contribué à créer parmi nombre d'élus locaux un sentiment de toute-puissance. De plus en plus, ils se sont vécus comme de petits seigneurs maîtres de leur féodalité.

Les budgets communication des grosses collectivités locales, des régions notamment, en témoignent. Dans plusieurs d'entre elles, il n'est pas rare qu'ils se chiffrent en dizaines de millions d'euros par an. En témoignent aussi les dépenses somptuaires, qui illustrent cette dérive féodale : parcs de voitures de fonction en expansion continue, à l'inverse de ce qu'on perçoit dans les préfectures, construction d'hôtels de région démesurés et extrêmement coûteux (par exemple dans le Nord Pas de Calais), prétention de certaines collectivités à développer une véritable diplomatie, en signant des accords avec des régions étrangères sans même en informer l'Etat, alors qu'il jouit normalement d'un monopole naturel en matière de politique étrangère.

Certains rétorqueront que les collectivités locales sont beaucoup plus vertueuses que l'Etat, affichant de faibles déficits quand l'Etat fait exploser les compteurs. En termes d'affichage c'est exact. Mais dans la réalité budgétaire, c'est faux. Chaque année en effet, l'Etat verse 55 milliards d'euros aux collectivités, ce qui constitue son premier budget de dépenses, à égalité avec l'éducation nationale, celui qui connaît depuis des décennies la progression la plus rapide. Ce qui signifie que l'Etat reprend à son compte une bonne part du déficit des collectivités locales. Assurées d'être financées, les collectivités locales n'hésitent pas comme nous l'avons vu à dépenser chaque année davantage, parfois de manière déraisonnable. Si l'Etat n'était pas là, ce comportement se traduirait pas d'importants déficits dans leur propre comptabilité.

Espérons que les élections régionales permettront de mieux faire connaître ces éléments. Ils sont essentiels pour comprendre pourquoi la destruction actuelle de l'Etat ne doit réjouir personne, pas même les économes les plus stricts.

Source : Un collectif de citoyens (actifs, étudiants) décidés à promouvoir un débat de fond après le rendez-vous manqué de la présidentielle.
Nous ne sommes d'aucun parti et n'avons pas d'ancrage politique particulier.Le Vrai Débat

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